Aux origines du film

La Cosmologie du Burger est avant tout un regard personnel sur le territoire où j’ai grandi : le haut-Vaucluse aux portes des Alpes, dont le Mont Ventoux est le commencement. Un pays au climat rude, violent et aux paysages grandioses dont la vie est rythmée par la cadence infernale de la saison touristique, qui le transforme chaque été en parc d’attraction pour touristes aisés.

Quand mon père décède d’un cancer en 2013 et que ma mère quitte la région, tout me pousse à tourner le dos à ma ville d’enfance et à mes souvenirs. Or malgré cela, je maintiens mes séjours à Vaison-la-Romaine quand bien plus rien ne m’y retient. Dans le deuil, une figure demeure pour moi un point de repère ; Bruno, le tenancier du Quickly Burger, que je connais depuis mon adolescence. Son snack a toujours été pour mes amis et moi un repaire familier. J’échoue ici à chacun de mes passages et m’accroche à ce bout de territoire tel un fantôme.

Après l’enterrement de mon père, je pars pour finir mes études de cinéma documentaire à Paris. Je griffonne alors un scénario de documentaire se déroulant au Quickly, racontant les histoires des laissés-pour-compte du développement touristique qui se retrouvent au comptoir de Bruno. Quelques mois plus tard, je reviens dans le Vaucluse et, comme à mon habitude, je m’arrête au Quickly manger un burger et boire un coup en écoutant les histoires des uns et des autres, profiter de cette ambiance familière qui me fait oublier mes soucis. Sauf que cette fois ci, je découvre abasourdi que Bruno a un don en magnétisme, quand il se met à soigner un habitué après avoir fermé boutique. De retour en région parisienne, je tombe par hasard sur un carton de livre abandonnés et je tombe sur « Manuel de l’étudiant magnétiseur » du Baron du Potet, magnétiseur et ésotériste français du XIXeme siècle.

Cet étrange clin d’œil du « destin » couplé de la découverte du magnétisme dans un lieu si incongru me détermine à poursuivre l’écriture du film, d’autant plus que le magnétisme ouvre le champ du soin et de la mort, qui raisonne fortement avec les dernières épreuves que j’ai eu à endurer. Je me laisse alors guider par ces petites contingences, qui éveillent mon intuition et ma sensibilité, et je reprends l’écriture de ce dossier abandonné sur le tard pendant mes études, convaincu d’avoir trouvé dans cette pratique, le prétexte pour faire du Quickly un lieu de cinéma.

Si je découvre le magnétisme à ce moment là – et décide de faire un film autour de cette rencontre – il n’en demeure pas moins que je ne suis ni intéressé par le fait de valider ou d’infirmer l’efficacité ou la légitimité d’une telle pratique. Ce qui m’intéresse, et qui s’est confirmé pendant toute la gestation du film, c’est la question de la prise en charge de la maladie et de la cohabitation avec la mort, absurde et imminente. J’invite alors le spectateur à faire l’expérience de l’irruption de l’étrange dans le quotidien, tel que j’ai pu le vivre.